Préambule

Article réalisé en octobre 2003, modifié en décembre 2009 et en décembre 2021

Dans l'oursin, ce qui se déguste, c'est ce qu'on appelle le corail, de couleur jaune pâle à rouge- orangé.

Le corail, c'est en fait les glandes sexuelles de l'animal ou gamètes. L'oursin a une saveur très iodée. Il se consomme cru avec du jus de citron, de l'échalote et du sel, avec du pain beurré ou sur des canapés. L'oursin en coulis ou en purée peut aromatiser sauces, mayonnaises et trempettes. Qui n'a pas une fois dans sa vie savouré une omelette ou des pâtes aromatisées au corail d'oursin ? Enfin, l'oursinade est une soupe de poissons aux oursins.

Les oursins, ces echinodermes méconnus

Après délibération du comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de la région PACA, le préfet de région a, par arrêté du 29 septembre 2021, modifié l’arrêté préfectoral du 27 octobre 2008 et interdit du 16 avril au 30 novembre la pêche des oursins, professionnelle comme de loisirs dans le Var et les Alpes maritimes. Cette modification est prise pour une période de 3 ans, à l’issue de laquelle une évaluation de ses effets sur la ressource sera réalisée. 

Les Bouches du Rhône ne sont pas concernées par cette mesure car la cueillette des oursins est autorisée dès le 1er novembre, c'est-à-dire un mois plus tôt que dans le Var et les Alpes maritimes, pour le grand bonheur des amateurs qui se languissent depuis plusieurs mois. En période hivernale on estime que le refroidissement des eaux ralentit considérablement la reproduction des oursins, ce qui justifie les mesures prises par les Préfets pour préserver les ressources. 

Ne pas se fier au dicton qui dit que la cueillette des oursins est autorisée pendant les mois en "R", car en septembre et octobre, voire en novembre pour le 06 et le 83, vous serez en infraction. De toutes façons, se renseigner auprès du Quartier Maritime proche de chez vous, car il se peut que dans certaines zones, la cueillette soit plus tardive, voire purement interdite. Même chose en ce qui concerne, le nombre de prises. Généralement elle est limitée à 4 douzaines dans les Bouches-du-Rhône et le Var, par jour et par plongeur. Quant à la taille, il ne faut capturer que les individus dont le diamètre, hors piquants, est supérieur ou égal à 5 centimètres, c'est dire que leur capture est sévèrement réglementée.

J'ai même lu dans deux sites Internet que leur transport était interdit, ce qui reviendrait à dire qu'il faut les consommer sur place ! J'ai envoyé un mail au site gouvernemental des Affaires Maritimes pour avoir des renseignements plus fiables. J'attends toujours la réponse. Enfin, pour rendre hommage à ces excellents fruits de la mer, qui se vendent 10 euros la douzaine chez le poissonnier et qui d'après certains secrèteraient une substance aphrodisiaque lors de la pleine lune, j'ai estimé qu'un dossier le plus complet possible devait leur être consacré. C'est ce que j'ai essayé de faire ici !

arbacia esculent
Arbacia lixula Eschinus esculentus
sphaere cidaris
Sphaerechinus granularis Cidaris cidaris

Ces animaux marins apparus il y a 450 millions d'années à l'Ordovicien, ont été étudiés dès l'antiquité. Depuis leur apparition, plus de 7000 espèces ont peuplé nos mers, occupant probablement toutes les niches écologiques. Donc, comme pratiquement tous les terrains sédimentaires marins, depuis l'ère primaire jusqu a nos jours, renferment des oursins fossiles, il n'est pas étonnant que ce groupe d'invertébrés soit particulièrement recherché et étudié par les stratigraphes ou les paléontologues. 

Les importantes collections d'oursins fossiles que l'on trouve dans les musées proviennent en particulier des terrains jurassiques, crétacés et miocènes. Le test des oursins composé de calcite, forme stable du carbonate de calcium, ne subit pas de recristallisation pendant la fossilisation. Il est progressivement rempli par le sédiment qui formera la roche mère. J'ai trouvé des oursins irréguliers cordiformes (en forme de coeur) du type Toxaster ou Micraster (difficile pour un néophyte de les différencier) dans les blocs de calcaire, au pied des falaises du Tréport, en Normandie. Des oursins réguliers fossilisés ont été recueillis dans les sédiments de Carry-le-Rouet, près de chez nous. On en trouve même au centre de la France, puisque la mer, dans les temps reculés, recouvrait notre pays.

oursins fossilisés
De gauche à droite : oursins fossiles Clypeaster durandi, Hemicidiaris luciensis et Scutella

Il existe actuellement environ 800 espèces d'oursins réparties dans toutes les mers du globe. Ce sont des échinodermes appartenant à la classe des Echinoidés, ayant une coquille sphérique rigide, à la symétrie pentaradiée, appelée test. Ce test est composé de plaques osseuses. Les oursins se déplacent au moyen de piquants mobiles longs ou courts. Leur bouche se trouve à l'un des pôles et l'anus au pôle opposé. Leur squelette est recouvert de piquants mais aussi de petites structures en forme de mamelon appelées sphéridies qui sont sans doute des organes de l'équilibre. Entre les piquants se trouvent de petits organes en forme de pinces appelés pédicelles servant au nettoyage et au comportement de défense. Les oursins ont également un appareil masticateur constitué de cinq mâchoires convergentes avec des plaques osseuses accessoires. Cet appareil masticateur est appelé lanterne d'Aristote, du nom du célèbre grec ancien qui avait étudié les oursins de la Méditerranée. L'origine du nom vient d'ailleurs du grec eckinos qui signifie hérisson, dérivé de eckhis « qui pique ». C'est la raison pour laquelle on les appelle parfois « hérisson de mer » ou « châtaigne de mer ». 

Les oursins se nourrissent de matières organiques, y compris de plantes, de petits animaux et de déchets. Si on regarde bien la roche on aperçoit les marques des dents de la lanterne d'Aristote, celle-ci lui servant à brouter la roche qui est très riche en algues microscopiques, et même à la forer pour s'abriter dans la cavité ainsi creusée. Certaines espèces n'ont pas de mâchoires et s'enfouissent dans le sable ou la boue pour trouver leur nourriture. La plupart des échinides vivent dans la zone de balancement des marées et dans les eaux les plus proches de la surface. On a calculé que sur les quelques centaines d'espèces connues à ce jour, seules plus d'une dizaine vivent au-delà de 4.000 mètres de profondeur et peut-être une seule au-delà de 7.000 mètres. 

Un certain nombre d'espèces sont venimeuses, d'autres sont comestibles et très recherchées. Le genre comestible le plus connu, selon les encyclopédistes, est Echinus. De couleur variable, on reconnaît les Echinus esculentus à la forme de leur corps dont le pôle supérieur est arrondi, parfois conique. Les piquants sont très longs, flanqués d'épines plus courtes. Echinus esculentus est rouge vif, pourpre ou vert avec des piquants rougeâtres. Sa taille maximale est de 15 cm de diamètre. Il vit dans le nord-est de l'Atlantique, jusqu'aux côtes du Portugal où on le pêche avec des tenailles de fer entourée d'étoupe où ses piquants s'accrochent. 

L'oursin sur lequel nous allons nous attarder appartient au groupe des Réguliers : c'est le Paracentrotus lividus, appelé aussi "oursin commun" ou "oursin livide" ou encore "oursin violet". J'avais autrefois étudié au Lycée Saint-Charles à Marseille, sous la tutelle du professeur Louis Gazagnaire (années 1961 et 1962), cet échinide propre au bassin méditerranéen.

oursin livide tests d'oursins livides
Paracentrotus lividus tests d'oursins livides

Les échinodermes actuels se divisent en cinq classes, les échinides (oursins), les astérides (étoiles de mer), les holothurides (concombres de mer), les ophiurides (ophiures) et les crinoïdes (groupe très ancien considéré comme primitif comparé aux quatre autres). La classe qui nous intéresse est celle des échinides, son représentant le plus répandu sur les côtes méditerranéennes étant Paracentrotus lividus, lequel présente également un intérêt culinaire. Ses piquants peuvent être de coloration vert olive, brun, rougeâtre ou violet, et son test nu est vert avec un périprocte violet. Sa taille maximale peut atteindre 9 à 10 cm sans les piquants. 

Cette espèce pourrait être confondue avec Arbacia lixula qui vit à ses côtés, mais s'en distingue par la coloration et par l'étendue de la membrane qui entoure la bouche. En effet, chez Arbacia lixula, aussi appelé oursin noir, les piquants sont noirs et le test est rose ou gris avec des lignes qui marquent l'emplacement des pores. De plus, la bouche et la membrane sont de grande taille chez Arbacia lixula, alors que l'ouverture buccale est petite et la membrane peu visible chez Paracentrotus lividus. C'est une spèce qui vit sur les roches et les pierres recouvertes d'algues, sur les prairies à Posidonies et sur les fonds sableux ou coralligènes du plateau continental, entre 0 et - 80 mètres. 

Paracentrotus lividus peut creuser les rochers ou utiliser les crevasses pour se fixer. Il respire grâce à sa peau qui est perméable, les échanges gazeux se faisant au travers de la paroi du système circulatoire. On le rencontre en Méditerranée, en Adriatique, en Atlantique depuis les Açores, les Canaries, les côtes du Maroc jusqu'au sud de l'Irlande, l'ouest de l'Ecosse et les Hébrides, dans la Manche et au nord de la Bretagne jusqu'au cap Fréhel. A noter que ses principaux prédateurs sont l'étoile de mer, le homard et l'homme. La pêche entraînant un constant déclin des stocks en Méditerranée et dans certaines régions (Alpes Maritimes et Pyrénées Orientales), l'exploitation a du être abandonnée. L'espèce est également sensible à la pollution industrielle, mais ne semble pas être menacée.

oursins livides
Gonades de Paracentrotus lividus

Comme on l'a vu, l'oursin livide se nourrit de posidonies et algues recouvrant les rochers. Vous n'êtes pas sans savoir que de nombreux végétaux, dont plusieurs espèces algales, synthétisent des substances toxiques afin de les protéger des prédateurs (herbivores). Ce type de métabolite est bien connu dans le genre Caulerpa : les extraits aqueux de Caulerpa taxifolia, dont le métabolite principal est la caulerpényne, sont actifs sur les oeufs de Paracentrotus lividus, entraînant l’inhibition des événements du cycle cellulaire proches de la mitose. Les scientifiques ont observé que Paracentrotus lividus consommait la caulerpe uniquement si aucune autre nourriture n'était disponible, et qu'il en mourrait, en été et en automne, au bout de 3 mois car à cette époque la toxicité de la caulerpe est maximale. Au printemps et en hiver, lorsque la toxicité de Caulerpa taxifolia est moindre, Paracentrotus lividus consomme cette algue mais au bout de quelques semaines, des effets physiologiques négatifs sont observés. Cet affaiblissement général des animaux, ajouté à l’activité antimitotique de la caulerpényne sur les oeufs d’oursins, pourrait affecter le recrutement et la densité de l'oursin livide dans les sites envahis par Caulerpa taxifolia. Un tel déclin des populations est effectivement observé dans les secteurs les plus envahis tel que celui de Menton. Notons cependant que chez les oursins ayant consommé Caulerpa taxifolia, il ne semble pas y avoir accumulation de la caulerpényne, tout au moins dans les gonades, parties de l’oursin consommées par l’homme, bien que la caulerpényne y ait été effectivement détectée. Comme vous le savez, chez les oursins, les sexes sont séparés, et pendant la saison de la reproduction, ce sont desmilliers d'ovocytes et de spermatozoïdes qui sont libérés en mer et brassés par les mouvements de l'eau et des courants marins contribuant ainsi à leur rencontre.

Si vous voulez en savoir plus sur l'évolution larvaire de l'oursin et sa métamorphose en jeune individu, je vous propose de cliquer sur le logo de l'UPMC ci-contre pour consulter l'excellente étude réalisée par Michel Delarue, directeur du service Biomedia à l'Université Pierre et Marie Curie - P6, sur le "Développement des échinodermes".

Université Pierre et Marie Curie

En conclusion et pour parodier La Fontaine, "petit oursin deviendra grand, pourvu que Dieu lui prête vie". Au fait, si vous connaissez la durée de vie de ces échinides, faîtes-le moi savoir car je n'ai pu trouver l'information. Il existe en Méditerranée des espèces rarissimes. 

En Corse, au large de Propriano, nous avons ramené dans les filets en 1980, au milieu des langoustes et des poissons de roche, un gros oursin de coloration verdâtre d'un diamètre d'une vingtaine de centimètres connu sous le nom de "melon de mer". Toine, le pêcheur avec qui nous avions embarqué, pratiqua un trou au niveau de l'orifice aboral et se désaltéra avec l'eau filtrée contenue dans l'oursin. 

A Bandol, j'ai vu en 1959 un pêcheur défaire de ses filets un Cidaris cidaris ou "oursin-crayon", appelé encore "oursin porte-lance", appelé ainsi à cause de ses piquants en forme de crayons ou de lances. Encore vivant, il remuait lentement ses énormes piquants. Si vous aussi avez rencontré des oursins particuliers, faîtes m'en part. 

A tous les amateurs d'oursins, je souhaite une bonne dégustation. A ce sujet, plusieurs communes organisent pendant la période autorisée des "fêtes de l'oursin", à l'instar de celle de Carry-le-Rouet laquelle se déroule pendant le mois de Février. Maintenant que vous avez appris beaucoup de choses sur l'oursin, peut-être porterez-vous sur lui un regard différent !

partager sur les réseaux sociaux

Coudoulière © 2010 - Powered by RHP Design - XHTML1 - CSS2